L’or noir, terreau fertile de l’entente russo-saoudienne ?
Dans le cadre d’un forum sur l’énergie, plusieurs ministres du pétrole de l’OPEP ainsi que leurs homologues russes se sont réunis mercredi 4 octobre à Moscou afin de discuter la prolongation de l’accord de Vienne du 30 novembre dernier, actant une baisse sensible de la production de pétrole face à des cours volatils et déprimés. Déjà illustré par un compromis historique entre Moscou et Riyad lors de la signature du texte, le rapprochement entre les deux géants du brut semble dépasser le cadre du seul pragmatisme économique. En atteste, parallèlement au forum, la visite inédite du roi saoudien Salman en Russie.
L’accord pétrolier de Vienne entre nécessité et compromis
En novembre 2016, conscients de la nécessité d’agir sur des cours en chute libre, les treize membres de l’OPEP et onze autres grands pays pétroliers non membres de l’organisation, dont la Russie, étaient parvenus à un accord de limitation de la production dans le but de faire remonter les prix. A cette occasion, la Russie et l’Arabie Saoudite avaient tu leurs différends politiques quant aux conflits syriens et yéménites afin d’atteindre une solution économique. En plafonnant la production à 1,8 million de barils par jour, les deux pays espéraient ainsi une reprise des prix, indispensable pour leurs économies très dépendantes de l’or noir[1]. Devant le succès de l’accord, illustré par des cours globalement orientés à la hausse depuis la mise en place des limitations, la volonté commune de poursuivre cette politique a été clairement réitérée en mai dernier. Ce dernier a dès lors été prolongé jusqu’en mars 2018. Ce mercredi, russes comme saoudiens ont affiché leur souhait de poursuivre ces mesures au-delà de cette date, en attendant la prochaine réunion de Vienne, prévue pour novembre 2017. Le rapprochement entre Moscou et Riyad semble cependant dépasser le simple cadre de l’accord pétrolier.
Rapprochement russo-saoudien
En marge du forum, le souverain saoudien Salman ben Abdelaziz Al Saoud a effectué une visite inédite en Russie pour rencontrer Vladimir Poutine. Depuis l’alignement russe sur la politique de l’OPEP, les relations se sont apaisées alors que le rapprochement entre les deux pays n’apparaît plus comme seulement économique[2]. L’intérêt pétrolier commun aura été une étape décisive qui a ouvert la voie à une coopération élargie. Jeudi, plusieurs accords d’importance ont ainsi été signés par les deux hommes. Ils portent notamment sur la mise en place de fonds communs d’investissement dans les secteurs des hautes technologies et de l’énergie ou encore sur des ventes de matériels militaires russes à l’Arabie Saoudite (dont les systèmes anti aérien S-400)[3]. Bien qu’il ne faille pas confondre le tournant russe de Salman avec un éloignement des Etats-Unis (les deux pays ont signé pour près de 380 milliards de dollars de contrats lors de la visite du président Trump en mai[4]), il n’en reste pas moins que l’activisme de Vladimir Poutine au Moyen Orient ainsi que sa détermination dans le dossier syrien lui auront redonné crédit dans la région. Ce alors même que les Etats-Unis affichent le souhait de s’en désengager…
[1] Jean Michel BEZAT, La Russie et l’OPEP unies pour soutenir les prix du pétrole, LE MONDE ECONOMIE, 5 octobre 2017
[2] Emmanuel GRYNSZPAN, Le roi saoudien fait la paix avec Poutine, LE TEMPS, 4 octobre 2017
[3] Poutine et le roi Salmane scellent leur rapprochement avec des accords commerciaux, LIBERATION, 5 octobre 2017
[4] Donald Trump en Arabie Saoudite : des contrats pour 380 milliards de dollars, LE TEMPS, 21 mai 2017